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Le spot-spraying (2/2): une technique de pointe pour répondre aux problèmes de demain

Sur le terrain, deux techniques sont à distinguer : le spot-spraying et l’ultra-spot-spraying. Si toutes deux permettent de réduire le recours aux produits phytosanitaires, elles ne mettent pas en œuvre le même type de matériel.

Temps de lecture : 5 min

Quentin Limbourg, chef de projet au Centre wallon de recherches agronomiques (Cra-w), s’intéresse aux aspects scientifiques de la pulvérisation localisée et aux enjeux agronomiques liés à la diminution de l’utilisation de produits phytosanitaires.

Pour Quentin Limbourg, avec la pulvérisation localisée,  il faudra orienter la protection des cultures  vers les produits de contact et imaginer  de nouvelles stratégies.
Pour Quentin Limbourg, avec la pulvérisation localisée, il faudra orienter la protection des cultures vers les produits de contact et imaginer de nouvelles stratégies. - D.J.

Pourquoi s’intéresser au spot-spraying ?

Une pression sociétale sur l’agriculture, visant à réduire le recours aux produits phyto, nous a conduit à orienter nos recherches sur les techniques de désherbage qui diminuaient drastiquement les intrants tout en préservant les rendements.

Les outils de désherbage mécanique tels qu’on les connaît aujourd’hui ne sont pas suffisants pour répondre aux exigences de la grande culture conventionnelle, et le spot-spraying devrait être une réponse à ces attentes. Avec le développement de l’intelligence artificielle, on peut aujourd’hui identifier les mauvaises herbes dans les cultures et cibler la pulvérisation sur celles-ci uniquement.

Spot-spraying ou ultra-spot-spraying…

Quelle est la différence ?

Il faut en effet distinguer deux techniques qui ne sont pas en compétition.

La première, le spot-spraying, utilise un pulvérisateur classique sur lequel des capteurs sont ajoutés sur la rampe. Ceux-ci déclencheront les buses une à une selon ce qu’ils détectent. Pour pulvériser des taches de chardons dans une culture, le spot-spraying fonctionne très bien, avec des rendements de chantier très importants.

L’ultra-spot-spraying utilise, lui, un pulvérisateur spécifique avec des buses tous les 4 cm dans un environnement de détection et de pulvérisation beaucoup plus précis. Avec l’avantage d’une réduction très importante des intrants mais l’inconvénient d’un rendement de chantier beaucoup plus faible.

L’environnement de la prise de vue est capital pour la précision de pulvérisation. Les algorithmes fonctionnent avec l’apprentissage des photos collectées et déclenchent le traitement si l’adventice est reconnue précisément.

En spot-spraying, les conditions de prises de vues peuvent changer en fonction du vent et du soleil notamment. Si une adventice bouge avec le vent, est dans l’ombre ou éclairée par un soleil rasant, le logiciel ne la reconnaîtra pas et ne pulvérisera pas non plus. Pour contrer cet inconvénient, une solution est de pulvériser la nuit avec un éclairage artificiel constant comme certains constructeurs le font, comme Kuhn ou Berthoud.

En ultra-spot-spraying, les machines ont des largeurs de travail limitées, souvent 6 m, avec des caméras sous des capots et des bâches. Cela donne des conditions de prise de vue contrôlées avec une lumière artificielle constante. Le logiciel récolte des images parfaites, avec, en conséquence, une détection très précise et un traitement ciblé. Le capotage évite la dérive et autorise le travail avec du vent ou la nuit. Le nombre d’heures de travail par jour est plus élevé, ce qui compense la faible largeur.

Parlez-nous des conclusions de vos essais.

Nos essais se font dans des placettes de 2 x 2 m où chaque adventice est repérée par Rtk. On passe ensuite les différentes machines de traitement et nous observons quelles mauvaises herbes ont été touchées pour évaluer la destruction et la réduction des intrants.

Nous pouvons parler de réductions des produits phytosanitaires importantes en fonction de la technique utilisée. En spot-spraying, celle-ci peut atteindre 50 à 75 %, voire 90 % en cas de traitement de taches de mauvaises herbes ponctuelles comme des chardons. Avec l’ultra-spot-spraying, la réduction serait de 80 à 95 % en fonction du salissement des parcelles.

Un problème en ultra-spot-spraying est le rendement de chantier qui est lié à la largeur de travail limitée… Mais c’est le prix à payer pour conserver l’environnement de prise de vue contrôlé et donc la précision qui va avec.

Un autre souci est la gestion de la bouillie. Ce n’est qu’après avoir traité un hectare et en fonction des adventices reconnues par les caméras que l’opérateur connaîtra le volume de bouillie nécessaire pour traiter la parcelle.

Une solution serait l’injection directe Dosatron qui existe depuis très longtemps mais n’a jamais percé, ou le système DirectInject d’Amazone.

Observe-t-on d’autres nouveaux développements en pulvérisation localisée ?

L’intelligence artificielle exige l’apprentissage des mauvaises herbes pour les reconnaître mais la technique progresse rapidement. En revanche, tout reste à faire du côté de la reconnaissance des maladies liées aux champignons, virus ou insectes.

Au Cra-w, nous travaillons sur des algorithmes « maison » pour identifier les doryphores, ce qui nous permettrait de piloter une pulvérisation localisée sur ces ravageurs en pommes de terre… Un projet pour l’avenir !

On pourrait imaginer d’équiper des pulvérisateurs conventionnels de capteurs qui déclencheraient un traitement localisé pendant le traitement en plein, par exemple sur des taches de mauvaises herbes localisées. Là aussi l’avenir ?

Quel avenir peut-on prédire au spot-spraying ?

Il faudra sans doute adapter certains itinéraires phytotechniques.

Beaucoup de produits ont un effet racinaire. Avec la pulvérisation localisée, on cherche à identifier les adventices et à les traiter avec des produits de contact. Il faudra orienter la protection des cultures vers ceux-ci et imaginer de nouvelles stratégies.

Il faudra notamment utiliser le décrié glyphosate, ou des alternatives comme les acides pélargoniques ou acétiques, en pulvérisation entre les rangs des cultures en lignes.

Le marché évolue vers la pulvérisation localisée, et la preuve en est que d’autres constructeurs s’y intéressent. Ecorobotix a montré le chemin en ultra-spot-spraying mais, Rumbojet, en Allemagne propose un traitement du rumex en prairies où la pulvérisation en plein y est interdite.

Berthoud, Kuhn, John Deere, Amazone et d’autres s’intéresse également au spot-spraying.

Les stratégies évoluent vite pour pallier d’énormes problèmes potentiels avec les interdictions actuelles ou futures de molécules « clés ». Le meilleur exemple est l’interdiction du Bonalan dès mai, pour lutter contre les chénopodes en chicorées. Une solution serait de pulvériser avec un herbicide total seulement aux endroits où ceux-ci sont observés avec des caméras de (ultra)-spot-spraying.

Quels conseils donneriez-vous à ceux qui voudraient se lancer ?

Ces techniques vont arriver dans nos fermes mais elles ont un coût important qui peut en dissuader certains. Travailler en groupe, en Cuma ou faire appel à l’entreprise agricole sont probablement des voies à suivre.

Ne craignons pas la technologie : elle se popularisera et il existe déjà une petite communauté d’utilisateurs qui feront avancer la connaissance.

Avec l’intelligence artificielle, l’agriculture arrive dans un autre monde mais ce n’est pas nouveau… L’arrivée du guidage gps et toutes les évolutions qui ont suivi en sont des exemples.

Maurice Malpas

WalDigiFarm

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