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Le spot-spraying (1/2): «L’importante économie d’intrants est atteinte»

Pour concilier ce qui semble parfois inconciliable, à savoir protection des cultures et environnement, le « spot-spraying » (ou « pulvérisation localisée ») permet de diminuer drastiquement les quantités utilisées de certains produits phyto tout en conservant une protection optimale des plantes. Pour en parler, nous avons rencontré Samuel Rase, qui a adopté cette technique, et Quentin Limbourg, chercheur au Cra-w, qui témoigne des aspects scientifiques et agronomiques de celle-ci.

Temps de lecture : 4 min

À Hanret (Eghezée), la Cuma de Frocourt associe Samuel Rase avec trois agriculteurs depuis 2010. Ils cultivent des pommes de terre, oignons, épinards, haricots, fèves, carottes, petits pois mais aussi des betteraves sucrières, des chicorées et des céréales.

Samuel Rase est associé avec trois agriculteurs  depuis 2010 au sein de la Cuma de Frocourt.
Samuel Rase est associé avec trois agriculteurs depuis 2010 au sein de la Cuma de Frocourt.

Comment êtes-vous arrivé à la pulvérisation localisée ?

Un de nos associés avait décidé de passer à l’agriculture bio, d’abord en légumes et ensuite en chicorées, alors que les trois autres agriculteurs continuaient cette culture en « conventionnel ».

Cela nous a permis de comparer le développement des parcelles lors d’une année où nous avons dû réaliser de nombreux traitements.

Les chicorées bio, désherbées mécaniquement, étaient beaucoup plus belles que les nôtres qui souffraient des traitements multiples. Cela confirma ce que je pensais depuis de nombreuses années : la phytotoxicité des herbicides, difficile à quantifier mais bien réelle.

C’est ainsi que le pulvérisateur ultra-localisé Ara, développé par Ecorobotix, a retenu l’attention de notre Cuma. Début 2023, nous avons décidé d’investir dans une des premières machines vendues en Belgique, et la nôtre a fait une première saison complète.

Quel est votre bilan après une saison ?

Nous avons utilisé l’Ara pour les traitements herbicides en betteraves sucrières, haricots et chicorées. Nous avons également conduit quelques essais en carottes, mais l’algorithme n’est pas encore assez alimenté en images pour être assez précis.

L’utilisation de la machine est simple : une vitesse de 7 km/h et une pression de 3 bars afin de conserver la précision de pulvérisation.

Elle fonctionne ensuite toute seule. En 6 m de largeur, on atteint un rendement de chantier d’environ 4 ha/h. C’est moins qu’un pulvérisateur classique mais nous pouvons travailler jour et nuit avec le système de capot. De plus, nous profitons de bien plus d’heures utiles et de meilleures conditions d’hygrométrie pour la pulvérisation.

L’opérateur suit l’avancée avec une tablette qui signale tout dysfonctionnement. Le travail peut être suivi à distance à la ferme, avec mise à jour et service en ligne. Les traitements sont documentés avec géolocalisation, ce qui est important si cela devient obligatoire, à l’avenir, pour utiliser certains produits.

L’opérateur visualise sur la tablette la dose de bouillie à l’hectare nécessaire en fonction de l’infestation d’adventices. Il peut réagir par rapport à la bouillie préparée à la ferme mais doit parfois refaire un mélange au champ.

Comme le produit est longtemps en contact avec la cuve et les équipements, des rinçages intermédiaires sont nécessaires afin, d’une part, d’éviter les dépôts et, d’autre part, de conserver une bonne précision de travail. Du point de vue économique, nous limitons fortement la quantité de produits utilisée : on peut atteindre des réductions jusqu’à 80 % par rapport à la pulvérisation classique, voire 90 % dans certains de nos essais.

Nous sommes donc très satisfaits mais une évaluation complète ne pourra se faire qu’après quelques saisons : l’algorithme s’affine en permanence en fonction des différentes conditions de travail et des adventices observées.

Pensez-vous à d’autres traitements en pulvérisation localisée ?

J’espère aussi utiliser Ara pour la destruction des couverts. Si l’hiver ne les a pas détruits, il faut recourir au glyphosate qui a une mauvaise réputation. Avec la pulvérisation localisée, seuls les endroits où se trouvent des repousses seront traités. Nous utilisons ainsi moins de produit, ce qui est bon pour l’environnement et le portefeuille.

Ecorobotix travaille sur un algorithme pour les traitements en céréales. C’est un sujet que l’entreprise connaît bien car tout a démarré en Suisse avec un projet de pulvérisation du rumex en prairies. Et nous sommes impatients de l’essayer en Hesbaye.

Comment voyez-vous l’avenir ?

La pulvérisation localisée permettra sans doute de combler les « trous » quand certaines matières actives seront interdites ou autorisées uniquement en localisé et avec documentation.

L’importante économie d’intrants est atteinte, mais nous attendons quelques saisons pour déterminer si la diminution de la phytotoxicité a permis d’augmenter les rendements, et dans quelle mesure.

C’est à notre avis une technique d’avenir, et Ecorobotix peut annoncer 250 machines en fonctionnement à ce jour, dont trois en Belgique et bientôt le double. D’autres constructeurs s’intéressent à cette technique, preuve de son avenir.

La pulvérisation localisée sera aussi un atout pour améliorer l’image de l’agriculture auprès du grand public. Nous l’avons constaté quand nous en avons parlé à nos amis hors du secteur agricole qui se montraient très enthousiastes.

Cela reste un investissement important et je conseille aux intéressés de réfléchir à le mutualiser comme nous l’avons fait dans notre Cuma.

Maurice Malpas

WalDigiFarm

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