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Une solution pour réduire le recours aux intrants et les impacts sur l’environnement

En interaction avec 25 dynamiques mobilisant différents acteurs des filières agro-alimentaires, allant des producteurs aux consommateurs en passant par les acteurs de la recherche, du développement et de l’aval des filières (collecte, transformation et distribution), le projet européen DiverImpacts a exploré comment différentes stratégies de diversification des systèmes de cultures permettent d’en accroître la durabilité.

Temps de lecture : 5 min

Le projet DiverImpacts, coordonné par l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae, France) et le Centre wallon de recherches agronomiques a impliqué onze pays européens. Il a étudié l’ensemble des bénéfices et des potentialités qu’offre une plus grande diversité d’espèces au sein de systèmes de cultures.

Cette diversification, qui se réfléchit dans le temps (cultures multiples sur une année, y compris les cultures de service ou de couverture, allongement des rotations) comme dans l’espace (cultures associées, cultures en bandes), apparaît comme une solution clé pour le développement d’agro-écosystèmes multifonctionnels moins gourmands en intrants.

En effet, une analyse des résultats obtenus dans 5.156 essais menés à travers 85 pays souligne, suite à la mise en œuvre d’une stratégie de diversification, une amélioration de la productivité (+14 %), de la biodiversité (+24 %) et de la fourniture de différents services écosystémiques (amélioration de la qualité de l’eau (+51 %), du contrôle des parasites et maladies (+63 %) et de la qualité des sols (+11 %)). Néanmoins ces effets varient significativement en fonction des stratégies de diversification mises en œuvre ainsi que des conditions pédo-climatiques.

Limiter les risques pris par l’agriculteur

Au-delà des verrouillages à solutionner tout au long de la filière et des institutions afin de permettre le développement de nouvelles cultures ou de cultures mineures (disponibilité en semences, mise en place de circuits de collecte et de valorisation/transformation, éducation des consommateurs, partage des savoirs et savoir-faire, partage des risques…), les partenaires du projet ont également proposé une stratégie afin de limiter les risques pris par l’agriculteur lors de la mise en œuvre d’une diversification de ses cultures.

Une telle stratégie vise à assurer de bons rendements tout en limitant les besoins en intrants et en réduisant les impacts environnementaux négatifs. La diversification des cultures n’entraîne pas toujours des effets positifs dans toutes les dimensions. Cependant, les résultats ont montré que, quels que soient le point de départ et le type de système agricole (conventionnel ou biologique), il est possible de concevoir des systèmes innovants qui combinent des rendements énergétiques plus élevés, des marges brutes plus élevées, réduisent l’utilisation d’engrais et de pesticides et réduisent les émissions de gaz à effet de serre et ce, en appliquant cinq ingrédients clés.

Maintenir des cultures dominantes

En premier lieu, il convient de maintenir une proportion importante de cultures dominantes dans les séquences diversifiées afin de maintenir des niveaux élevés de production et de rentabilité. Et ce, tout en adaptant la conduite agronomique desdites espèces aux autres changements apportés au système de culture : prise en compte d’arrières effets du précédent cultural dans le calcul de la fertilisation ou la gestion des adventices, place dans la rotation afin de réduire les besoins en intrants…

Davantage de cultures mineures

Le deuxième ingrédient clé consiste à ajouter des cultures mineures pour augmenter à la fois la diversité des familles botaniques et la diversité fonctionnelle des séquences de cultures. Il est ainsi possible d’obtenir une augmentation globale de la prestation de services écosystémiques.

La stratégie consiste, notamment, à ajouter des cultures mineures (comme ici, la cameline) dans  la rotation.
La stratégie consiste, notamment, à ajouter des cultures mineures (comme ici, la cameline) dans la rotation. - J.V.

Les légumineuses, qui réduisent le besoin d’apport d’azote et les émissions de gaz à effet de serre y associées, ou les espèces qui ont une forte capacité de suppression des mauvaises herbes, comme le chanvre, sont des exemples de cultures mineures qui augmentent les services écosystémiques.

Miser sur la succession et la diversification

Une troisième piste vise à utiliser des pratiques agronomiques compensatoires (cultures multiples ou associées, par exemple) pour augmenter et sécuriser les rendements tout en augmentant la fourniture de services écosystémiques.

Par cultures multiples, on entend la succession de plusieurs cultures durant une même année culturale. À titre d’exemple, une culture intercalaire dont la biomasse est valorisée comme fourrage ou pour une valorisation énergétique (biogaz).

On obtient ainsi plusieurs récoltes dans la même année avec des rendements et des avantages supplémentaires tels qu’une plus grande couverture du sol et les services y associés (réduction de l’érosion des sols et du ruissellement des eaux, réduction des pertes d’azote, maintien de la biodiversité en alimentant la microfaune, dont les mycorhizes, et macrofaune des sols, fourniture d’azote si les intercultures sont riches en légumineuses…).

Les cultures associées consistent en la culture simultanée de plusieurs espèces sur une même sole. Les exemples les plus connus concernent la culture de protéagineux associés à des céréales. Le cumul du rendement des deux espèces est souvent plus important que si les deux moitiés de la parcelle avaient été emblavées avec chacune des deux espèces séparément.

Dans l’exemple cité, la céréale améliore la gestion des adventices et la récolte du protéagineux en lui servant de tuteur limitant ainsi sa verse. Le protéagineux, lui, permet d’accroître la teneur en protéine de la céréale qui peut alors être panifiée plus aisément. De par le phénomène de dilution qui en résulte, les cultures associées permettent également de limiter la pression de certains ravageurs et maladies.

Conjuguer les ingrédients entre eux

Il y a lieu d’intégrer les ingrédients présentés ci-avant de manière systémique pour gérer les facteurs agronomiques et pédoclimatiques qui affectent la production végétale. Par exemple, pour supprimer les mauvaises herbes tout au long de la succession de cultures, il faut combiner différentes pratiques telles que l’ajout d’espèces suppressives dans la rotation, la mobilisation de cultures associées ainsi que d’intercultures, l’extension de la rotation ou encore l’alternance des cultures d’hiver et de printemps.

S’adapter, toujours !

Enfin, il convient, d’adapter continuellement le processus de diversification, c’est-à-dire les cultures et les pratiques mobilisées, pour faire face à différents événements climatiques ou facteurs biotiques et à l’évolution des facteurs socio-économiques (infrastructure, marchés, règlements, connaissances disponibles…, par exemple) (figure 1).

Figure 1: la diversification des systèmes cultures, par le recours aux cultures associées et/ou multiples.
Figure 1: la diversification des systèmes cultures, par le recours aux cultures associées et/ou multiples.

Guénaëlle Corre-Hellou

Ecole supérieure d’agriculture d’Angers

Didier Stilmant

Cra-w

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